Entreprise et théorie du profit
Quelle est la finalité d’une entreprise ? Quels sont ses objectifs ? Il n’est pas si simple de répondre à cette question, car il existe plusieurs approches différentes qui ne s’accordent pas toujours les unes avec les autres.
L’entreprise, c’est quoi ?
Sur le site economie.gouv on trouve la définition suivante : « Il y a entreprise dès que des personnes mobilisent leur talent et leur énergie, rassemblent des moyens matériels et de l’argent pour apporter un produit ou un service à des clients. »
L’article très complet d’Alexis Penot sur SES-ENS, site expert de sciences économiques et sociales, nous offre une vue générale sur les grandes évolutions de l’entreprise et de l’entrepreneur à travers les siècles.
De la naissance de l’entreprise, essentiellement liée aux échanges commerciaux et financiers à ses débuts, jusqu’à l’avènement de la firme managériale portée par capitalisme américain, en passant par la révolution industrielle et l’ère du taylorisme, il nous apporte un éclairage intéressant sur les fondements de l’entrepreneuriat et les règles qui le gouvernent aujourd’hui, souvent dictées par des intérêts divergents.
But de l’entreprise : maximiser le profit
Selon les théories économistes qui prédominent depuis des années, l’objectif de l’entreprise se limite à la maximisation du profit.
« Les théories de la firme, accordent une place centrale à l’efficience. En d’autres termes, la firme est étudiée relativement à sa capacité de créer de la valeur, de dégager un surplus par rapport à la valeur des ressources utilisées dans le processus productif, d’être rentable. » Universalis
Or, « la recherche de la maximisation du profit par les entreprises ne va pas spontanément dans le sens d’un développement durable. » Economie de Marché, Wikipédia
Chacune en effet, aura tendance à travailler de son côté sur son propre développement, sans se soucier de l’impact que celui-ci peut avoir sur la société et l’environnement.
Responsabilité sociétale et environnementale
Avec cette prise de conscience, il a été demandé aux entreprises, au fil du temps, de prendre de plus en plus leurs responsabilités dans ces domaines.
Pour répondre à cette demande, elles ont créé des fondations à caractère non lucratif, dédiées à la réalisation d’œuvres d’intérêt général. Outre leur avantage fiscal, elles représentent un bon outil de communication et une véritable opportunité d’agir sur la société.
Cependant, ces fondations ne peuvent se substituer entièrement à la responsabilité de l’entreprise.
Il devient essentiel aujourd’hui que les entreprises intègrent une véritable réflexion sur leur impact environnemental et sociétal, au cœur même de leur business plan, afin de trouver un équilibre économique, social et écologique dans leur développement.
Le rôle et les missions d’une entreprise aujourd’hui
L’émergence au XXe siècle de la société de consommation et de l’économie de marché, a causé l’augmentation des prélèvements sur les ressources naturelles et limitées de notre planète.
RSE : Responsabilité Sociale des Entreprises
D’après l’INSEE, « En 2016, en France, un quart des entreprises [reconnaissaient] spontanément que leur activité [avait] un impact fort ou très fort sur l’environnement. »
En 2011, la Commission européenne déterminait dans une communication : « Afin de s’acquitter pleinement de leur responsabilité sociale, il convient que les entreprises aient engagé, en collaboration étroite avec leurs parties prenantes, un processus destiné à intégrer les préoccupations en matière sociale, environnementale, éthique, de droits de l’Homme et de consommateurs dans leurs activités commerciales et leur stratégie de base ».
En 2019, la loi PACTE introduit la forme d’entreprise à mission « dotée d’une ‘Raison d’être’ et d’objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux associés, inscrits dans ses statuts et constituant sa ‘Mission’. »
Un nouveau modèle économique
En août 2019, Emmanuel Faber, alors PDG de Danone, confiait lors d’une interview de Franceinfo : « Le modèle économique d’aujourd’hui ne peut plus tenir dans la durée. […] Il faut absolument inscrire dans le modèle même des entreprises, le fait qu’elles développent des activités qui soient plus inclusives à partir de leur modèle. […] Notre initiative consiste simplement à ce que chacun essaye de faire sa part dans ce travail qui est un travail collectif. »
Porter un projet mutuel, donc, et non plus individuel. Prendre un engagement réel auprès de la société.
Dialogue social, bien-être au travail, économie circulaire, économie responsable, cause d’intérêt général sont autant de sujets pris en compte dans cet engagement.
Chercher à avoir un impact positif sur la société tout en étant économiquement viable est possible et de nombreux exemples sont là pour le prouver.
Pourquoi parler d’entrepreneuriat responsable et durable ?
1972 marque « le début de la prise de conscience mondiale sur l’environnement » (10 000 ans d’économie, Citeco.fr). Le rapport d’alerte publié par le Club de Rome est alors accusé de catastrophisme.
Quelques décennies plus tard, il est clairement établi que les ressources naturelles de la planète sont en voie d’épuisement.
« La prise de conscience collective a permis d’engager des démarches de réduction des impacts environnementaux qui sont un premier pas indispensable. Cependant réduire l’impact du modèle de développement actuel ne fait que reculer l’échéance. Une démarche plus ambitieuse s’impose, et elle se concrétise par une transition économique complète. ».
L’économie circulaire
Un nouveau modèle économique se dessine, appelé économie circulaire, et dont le Ministère de la Transition Ecologique nous donne la définition suivante : « L’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Il s’agit de passer d’une société du tout jetable à un modèle économique plus circulaire. »
Gérer durablement les ressources peut également générer de l’activité et créer des emplois : éco-conception, consommation responsable, allongement de la durée de vie d’un produit, tri et recyclage… Une boucle vertueuse qui répond à des enjeux à la fois environnementaux, économiques et sociaux.
Entreprises à succès investies dans ce nouveau modèle
De nombreuses entreprises l’ont déjà compris et œuvrent dans cet esprit à long terme :
« On a les pieds dans plusieurs mondes : la mode, le commerce équitable, le bio, le design, la réinsertion, les usines, les voyages, les champs de coton, l’Amazonie… et on voit que tout ce qu’on fait a un dénominateur commun : la transparence. »
Les créateurs des chaussures VEJA, par exemple, ont décidé en 2005, de concevoir un produit de façon totalement nouvelle, en introduisant un impact positif à chaque étape de leur production.
Dans l’univers de la restauration, EcoTable, convaincu d’avoir une part de responsabilité dans le développement durable, accompagne, forme et valorise les restaurants aux pratiques écoresponsables.
Dans le domaine de la chimie, Carbios a développé un procédé permettant de recycler à 100% et à l’infini les emballages plastiques (« Qui est Carbios, la promesse française du recyclage consacré par la revue Nature », La Tribune).
Dans le monde du conseil et de la formation OpenLande développe un écosystème et des outils en faveur des projets à impact humain et environnemental : inspiration, formation, aide à la création pour se lancer et avancer pas à pas vers la transition écologique.
Dans tous les secteurs, ces entreprises à succès sont là pour prouver que l’entrepreneuriat responsable et durable est possible et que tous les outils existent aujourd’hui pour le mettre en place.
Hôtellerie de luxe Responsable : un idéal devenu réalité
A travers son concept de d’Hôtellerie douce (Slow Hospitality en anglais), Laurent Pascal, fondateur de la Collections de Lodges Astonomia, souhaite montrer qu’il est tout à fait possible de concilier activité économique, respect de l’environnement et valorisation humaine.
Il se plaît ainsi à assembler avec malice des notions qui pourraient sembler opposées à première vue : luxe écologique, tourisme à empreinte positive, entreprise responsable…
Rencontre avec un entrepreneur pragmatique et visionnaire, qui s’attache, à chaque étape de son projet, à mettre en miroir le développement de son entreprise et son impact.
Comment est né le concept responsable Astonomia ?
Très jeune déjà, je rêvais de créer un hôtel… Mais soyons honnête, à l’époque, celui-ci n’était pas encore « responsable »…
Après plus de 10 ans passés à la direction de la Maison Eliya, fondée en 2006, j’ai décidé de quitté Paris et concrétiser mon premier rêve.
Cependant, les choses ont évolué depuis les bancs de l’école hôtelière : les attentes de la clientèle ne sont plus les mêmes, et surtout, la crise écologique a pris de l’ampleur ; ou en tous les cas, nous en avons une plus grande conscience.
Le concept est très simple : proposer une offre hôtelière et événementielle de luxe novatrice qui maîtrise son impact.
Il m’a donc semblé évident de prendre mes responsabilités, en tant qu’Entrepreneur : limiter dorénavant les nuisances de mes entreprises sur l’environnement ; voire, idéalement, apporter un bienfait.
Ce n’est pas un idéal mais une réalité.
C’est ainsi que le 1er EcoLodge Astonomia est née et finalement, le concept est très simple : proposer une offre hôtelière et événementielle de qualité, novatrice, qui maîtrise vraiment son impact.
Quelle a été votre démarche pour vous inscrire dans ce modèle économique responsable ?
Tout d’abord, je suis sorti du cadre habituel client/entreprise : je prends en compte les autres paramètres qui nous entourent.
Les citoyens et entreprises à proximité immédiate par exemple. Ceux-ci font partie de notre zone d’impact logique, tout autant que les animaux, la flore, l’eau, l’air ou la terre.
J’ai donc identifié nos sources d’impact, et calculé le montant financier que cela engendre pour le projet. En effet, les achats responsables coutent souvent plus cher ; offrir un événement aux écoliers et citoyens est un chiffre d’affaires potentiel en moins.
Ce coût d’impact est ainsi comptabilisé comme une charge d’exploitation. Et c’est en prenant en compte ce coût, et les charges d’exploitation et d’investissement « communes », que je peux déterminer le prix de vente et réaliser les différents budgets.
Quelles en sont les contraintes ?
L’une des principales contraintes est la faible offre de produits et services partageant ces valeurs.
Et ce pour l’ensemble des aspects du projet, que ce soit dans la construction/rénovation des bâtiments, l’aménagement/décoration ou pour l’exploitation en tant que telle.
Trouver un maçon force de proposition sur des produits de construction à faible impact carbone n’est pas une mince affaire. Nous étions les premiers clients à demander un béton bas carbone. Nous privilégions la brique de terre cuite, plutôt que le parpaing. Nous conservons les petits défauts de l’ancien…
Les artisans n’ont pas toujours ces réflexions à l’esprit mais les nouvelles exigences de leurs clients font évoluer les choses.
J’ai donc passé deux fois plus de temps qu’il n’en faut habituellement pour bâtir un projet, déjà 2 ans, afin d’identifier les bons produits et prestataires de services.
Une autre contrainte est celle que l’on reproche aux entreprises qui pratiquent une activité responsable : leur prix de vente est plus important.
Mais ce n’est pas une fatalité. La qualité, la nouveauté ou l’exclusivité justifient un prix de vente élevé.
Par ailleurs, je suis persuadé que les entreprises vont toutes, progressivement, s’équiper de manière plus responsable et privilégier les actes à impact positif, permettant des économies d’échelles…
Nous utilisons des matériaux biosourcés ou bas carbone. Nous évitons autant que possible de détruire et privilégions la rénovation.
Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de ce que vous avez mis en place pour répondre à vos objectifs ?
Pour les travaux sur les bâtiments, nous utilisons des matériaux biosourcés ou bas carbone. Nous évitons autant que possible de détruire, et privilégions la rénovation.
Nous réutilisons ou recyclons les déchets, qu’il s’agisse des déchets du jardin, du compost, voire même de certains équipements, recyclés en mobiliers ou œuvres d’art.
L’ensemble de nos partenaires, artisans et fournisseurs, sont locaux, du couvreur à l’agence de communication.
Nous avons choisi une banque éthique, La Nef, pour nous accompagner sur le financement du projet.
Lors de l’exploitation du domaine, nous privilégions des produits issus de producteurs locaux et/ou bio. Grâce à différents échanges, le restaurant partenaire du domaine a fait évoluer sa carte afin de proposer une cuisine plus locale et plus bio.
Bien d’autre actions sont mises en place, comme l’accueil des écoliers et citoyens lors d’ateliers organisés gratuitement sur le domaine en faveur de l’environnement.
Enfin, pour cadrer ces sujets et mesurer nos objectifs climat, nous utilisons un tableau de bord qui évalue des indicateurs clés, tels que les consommations, la gestion des déchets, l’impact positif que l’activité a sur son environnement, les achats…
Maintenant que cet idéal est devenu réalité, quel serait pour vous la prochaine utopie à concrétiser ?
Nous ne sommes qu’aux portes de la réalité… L’aboutissement du projet est de proposer un très haut niveau de qualité de service aux clients du premier lodge. Le service housekeeping doit être irréprochable, la cuisine doit être responsable mais raffinée, le paysagiste doit entretenir le potager et les jardins avec le souci du détail selon les principes de la permaculture.
Ce sont les talents composant les équipes AstonomiA qui offriront une expérience clients unique, personnalisée et authentique, et qui concrétiseront chaque jour cet idéal.
Et le rêve continue. L’étape à suivre est l’ouverture d‘Ecolodges AstonomiA dans les plus beaux endroits de notre belle planète, et de poursuivre le développement du Concept d’Hôtellerie Douce.